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La guerre des électrons !

C’est en 1899 que la Jamais Contente pulvérisa les 100km/h avec son moteur électrique et son pilote de génie Camille Jenatzy. Malgré cet exploit, la voiture électrique et son passager, l’électron, n’a pas su s’imposer face à son pire ennemi, la molécule de carbone, et son arme absolue, le moteur thermique. Plusieurs raisons avaient été évoquées à l’époque : des complications liées à la recharge, le manque d’infrastructures électriques, le coût et l’autonomie des batteries... Alors que rien n’a changé sur ces points, tout a bousculé avec l’urgence de la transition énergétique. Car le carbone est maintenant le pire ennemi du secteur de l’énergie et le capturer va devenir un enjeu majeur à l’avenir. En attendant, l’électron a un prix et ce prix a explosé en 2021. Alors est-ce soutenable ? Est-ce la nouvelle norme ? Comment peut-on envisager le marché de l’électricité en Europe dans les prochaines années ?

Le marché de l’électricité a connu en 2021 une année exceptionnelle. Tout d’abord, les prix se sont envolés à des niveaux auxquels personne n’aurait cru possible il y a encore quelques mois. Le prix est passé de €50/MWh environ sur les marchés européens à €150/MWh en Italie, €170/MWh en Espagne et même €300/MWh en Allemagne ! Déterminé par le coût marginal de l’unité de production électrique marginale, le prix de l’électricité a naturellement suivi l’envolée du prix du charbon et du gaz, ainsi que celui de la tonne de carbone. Le prix du gaz a triplé sous la pression de plusieurs éléments. Alors que les niveaux de stocks devaient être reconstitués, les acteurs économiques ont dû faire face à des ruptures d’approvisionnement en Europe et en Russie. Les Pays-Bas réduisent la production de leur plus grand champs gazier, la situation sanitaire a ralenti certaines productions et surtout la Russie n’a pas encore utilisé le nouveau gazoduc Nord Stream 2 que l’Allemagne attend depuis des années. La demande industrielle demeurant à un niveau élevé, le moindre coût de froid entraine des pics de consommation de gaz, qui ne peut être fourni que par bateau à des prix exceptionnels. Le prix du gaz a ainsi triplé passant à €55/MWh depuis mars 2021. Le prix de la tonne de carbone a parallèlement connu une forte hausse, nourrie par une demande élevée et des quotas CO2 de plus en plus réduits. Passant de €50/t à €80/t en quelques mois, le carbone impose sa logique et fait sortir le charbon de sa place d’unité de production marginale, pour être remplacé par le gaz.

2022 devrait assagir l’électron, mais il ne sera jamais plus content. En 2022, le prix du gaz devrait pouvoir revenir sur des niveaux plus abordables. Tout d’abord, la demande est saisonnière et la sortie de l’hiver permet d’éviter les besoins d’approvisionnement d’urgence. Par ailleurs, le gazoduc devrait entrer en service cette année, permettant l’acheminement de plusieurs dizaines de millions de mètres cubes de gaz. Enfin, les capacités devraient croitre avec les investissements que les sociétés pétrolières ont réalisés ces dernières années notamment dans le gaz liquéfié. Sur les prochaines années cependant, le prix devrait rester soutenu car l’offre devra faire face à une demande de plus en plus importante, notamment pour palier la fermeture de capacités d’électricité dans plusieurs pays européens. En décembre 2021, l’Allemagne a fermé trois de ses six dernières centrales nucléaires et fermera les trois dernières en 2022, soit 12% de la capacité totale du pays. En Belgique, le gouvernement fédéral devrait acter en mars si la fermeture des centrales nucléaires sera bien définitive en 2025. En Espagne, la sortie du nucléaire est prévue d’ici 2035 mais la première centrale pourrait fermée dès 2027, alors que la France devra faire face à des investissements importants pour prolonger ou maintenir la part du nucléaire au niveau actuel. L’importance du gaz est aussi une compensation par rapport à la baisse prévisible de la consommation de charbon.

L’électron devra faire attention aux photons... Malgré les efforts d’efficience énergétique et d’économies d’énergie, la consommation électrique est vouée à croitre sur les prochaines années. En remplaçant les énergies fossiles par l’électrique, nos sociétés devraient consommer au moins 2 fois plus d’électrons qu’aujourd’hui. Alors que l’énergie hydraulique atteint ses limites physiques, les énergies éoliennes et solaires vont l’emporter. Mais si l’éolien, et notamment l’éolien offshore, dispose d’un facteur de charge satisfaisant, l’énergie solaire est aujourd’hui une énergie intermittente et très concentrée en milieu de journée. L’essor des capacités solaires va ainsi entraîner de plus ne plus d’épisodes journaliers où le prix de l’électricité en milieu de journée sera négatif. Les photons du soleil auront tellement excité les électrons des panneaux solaires de l’Europe entière que leur abondance finira par les perdre. L’émergence des batteries à grande échelle deviendra alors la priorité. Et dans cette optique, les voitures pourront utiliser leurs propres batteries comme systèmes de stockage d’énergie et des outils digitaux devront être massivement déployés pour éviter les coups de soleil aux réseaux électriques.

En conclusion, les années qui s’annoncent seront celle de la volatilité des prix de l’électricité, avec des variations journalières et saisonnières importantes. Il est aussi prévisible que les niveaux des prix soient en moyenne plus élevés que lors de ces dernières années. L’énergie reprendra sa place comme un des enjeux majeurs de nos sociétés. Le modèle centralisé unidirectionnel conçu il y a 200 ans devra devenir en 30 ans un modèle décentralisé, sans carbone, faits de photons, de produits chimiques, et de digitalisation. La guerre des électrons est déclarée. On ne sait pas qui va l’emporter, mais l’électron s’en régale, il a sa revanche sur le carbone.

Achevé de rédiger le 21 janvier 2022

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