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L’image de l’ancien Président Hu Jintao poussé vers la sortie, sous bonne escorte, lors de la cérémonie de clôture du XXème congrès du Parti Communiste Chinois (PCC) résume à elle seule la mainmise du Président Xi Jinping sur la Chine et les instances dirigeantes du pays. Le Président reconduit, sans surprise, à la tête de la deuxième puissance mondiale, a annoncé un net changement d’orientation dans la politique de « l’empire du milieu ». En effet, alors que le pays se concentrait exclusivement sur son développement économique et son ouverture à la mondialisation au cours des dernières décennies, Xi Jinping a clairement indiqué un nouveau cap axé sur une économie résiliente et auto-suffisante. De plus, Xi a réussi à nommer ses fidèles au comité permanent renforçant encore son pouvoir et faisant de lui le seul empereur. Ce changement ainsi que l’absence d’évolution de la politique « Zéro Covid » ont entrainé une forte baisse des marchés chinois à la suite de la clôture du congrès refroidissant les investisseurs étrangers encore présents sur le marché à court terme.

Source : South China Morning Post, Xinhua via AP, octobre 2022

Prospérité commune et sécurité, le grand bond en arrière ?

Deux thèmes essentiels ressortent du discours de Xi : la prospérité commune, confirmée et encore renforcée, et la sécurité du pays. La prospérité commune passe par l’émergence d’une classe moyenne chinoise et par une redistribution plus équitable des richesses. En effet, depuis la fameuse phrase « S’enrichir est glorieux » et la politique d’expansion économique de Deng Xiaoping, ancien dirigeant du PCC, le pays s’est fortement développé pour devenir le moteur de la croissance mondiale. Cette expansion a accentué les inégalités à travers la population. Ainsi, 1% des chinois les plus aisés détiennent plus de 30% des richesses du pays et selon le premier ministre sortant, Li Keqiang, près de 600 millions de chinois vivraient avec moins de 130 euros par mois. Un constat saisissant que Xi Jinping entend bien corriger afin de « renforcer le fondement de la gouvernance à long terme du parti [communiste chinois] ». Le but n’est pas de niveler par le bas mais bien de faire progresser les Chinois les moins bien lotis vers la classe moyenne.

Deuxièmement, la sécurité du pays sous toute ses formes. La sécurité paradoxalement et la résilience économique sont mises à l’épreuve par le maintien de la politique « Zéro Covid », par une crise immobilière et par les nombreuses tensions commerciales et géopolitiques avec les Etats-Unis notamment autour de Taïwan. De plus, les récentes interdictions des Etats-Unis d’exporter les technologies les plus avancées sont un réel problème pour Pékin. Cette décision forte met en péril la sécurité et la souveraineté technologique du pays, car, à ce jour, il n’y a pas ou peu d’alternative domestique pour remplacer certaines technologies étrangères notamment dans le secteur des semi-conducteurs les plus en plus en pointe. Enfin, la sécurité ou souveraineté militaire de la Chine est remise en cause par la défiance de Taiwan qui a le soutien de l’armée américaine.

Autant de raisons de ne pas être très optimiste sur la reprise du marché chinois. Faut-il pour autant abandonner tout espoir d’investissements en Chine ? Rien n’est moins sûr.

Ces éléments qui pourraient changer la donne

La capitulation des investisseurs est-elle en vue ? C’est possible car rares sont les bonnes nouvelles. Ce qui est reflété dans la valorisation du marché comme l’illustre le graphique ci-dessous :

Evolution du Price Earning Ratio sur les 12 prochaines mois du MSCI China depuis 10 ans
Source : Bloomberg (02/11/2022)

A 8,2x le PE des douze prochains mois, le MSCI China est quasiment sur son niveau le plus bas depuis 10 ans et bien en dessous de celui de janvier 2020 au début de la pandémie de covid-19. Nous ne sommes pas loin du niveau de 2013 à 8x qui avait été impacté par le « taper tantrum » américain. Certes l’économie chinoise n’est plus sur les mêmes niveaux de croissance du PIB qu’à l’époque mais ce « derating » semble violent d’autant plus qu’à l’inverse des économies développées, la Chine est dans une phase de baisse des taux, et de relance de son économie.

Sur le plan politique, si le comité permanent du bureau politique est composé de soutien du Président Xi, certains membres ont une réelle sensibilité pour les questions économiques comme Li Qiang qui a été le secrétaire général du PCC pour la dynamique région de Shanghai. A défaut d’être indépendants de nombreux experts reconnaissent la compétence des nouveaux venus permettant au Président de délégué ses nombreuses tâches et d’améliorer l’efficacité du gouvernement.

Les autorités chinoises savent qu’elles ont besoin d’une économie forte afin de poursuivre le développement du pays, d’améliorer le sort de la population (prospérité commune) et sa sécurité sur tous les plans.

Les secteurs clefs pour le futur de la Chine comme les énergies renouvelables, le cloud computing, l’intelligence artificielle et l’automatisation/robotisation, par exemple, s’inscrivent dans les objectifs du parti et seront sans doute privilégiés. Ils constituent tout naturellement autant d’opportunités d’investissement intéressantes. Arrêtons-nous sur le cas d’investissement de la robotisation.

Les robots industriels, la réponse à deux enjeux : vieillissement de la population et amélioration de la productivité

La problématique de la souveraineté technologique et économique, le secteur de l’automatisation industrielle permet de répondre au vieillissement de la population. La proportion de personnes âgées de plus de 60 ans dans la population totale chinoise était de 18% en 2021, soit 5 points de pourcentage de plus qu’en 2011. Le vieillissement de la population entraîne de nouveaux défis pour l'économie. Une main-d'œuvre qui diminue inexorablement entraîne un besoin crucial de gains d'efficience. Dans cette optique, l'automatisation industrielle et plus particulièrement les robots industriels sont un excellent moyen de surmonter le manque de main-d'œuvre et de conserver une industrie forte. Le secteur des robots industriels contribue donc à sauvegarder la souveraineté technologique et économique du pays, tout en améliorant la productivité.

Les robots industriels sont des systèmes robotisés utilisés pour automatiser le processus de fabrication. Ils sont programmables et capables de différents types de tâches. Les robots industriels permettent d’améliorer l'efficacité de la chaîne de production tout en réduisant les coûts sur le long-terme. Dans des conditions de travail difficiles, ils peuvent même réduire les risques d’accident.

La robotique constitue une technologie de pointe que la Chine ne maitrise pas encore totalement mais sur laquelle elle progresse vite. Le secteur est principalement dominé par des acteurs japonais et européens. L’économie chinoise reste la plus demandeuse de robots industriels. Ainsi, en 2020, elle a installé près de 140 000 unités, concentrant 44% de la demande mondiale. La densité de robots reste faible. En 2020, la densité de robots pour 10 000 travailleurs était de 246, un chiffre proche de celui des Etats-Unis, 255, mais qui reste très loin derrière les pays les plus avancés. En effet, la Corée du Sud caracole en tête du classement avec une densité de près de 932 alors que l’Allemagne et le Japon ont atteint une densité proche de 400. De plus, 70% des nouveaux robots installés en Chine proviennent de fabricants hors des frontières ce qui renforce la question de la souveraineté technologique chinoise sur ce secteur.

Source : World Robotic

Pour soutenir la robotique, le Ministère de l'Industrie et des Technologies de l'Information (MIIT) a annoncé un plan sur 5 ans visant à renforcer le secteur robotique chinois. L’objectif central est de doubler la densité de robots, de construire plus de 500 sites de fabrication dans le pays d’ici 2025 et d’internaliser la production des composants clés majoritairement importés. La Chine possède aussi une force de production importante, permettant de produire des robots industriels moins onéreux que ces concurrents internationaux et de manière plus rapide.

La Chine compte plusieurs champions domestiques en forte croissance comme Shenzhen Inovance et Estun Automation. Ces deux sociétés ont l’avantage de proposer des robots industriels moins onéreux et des délais de livraison plus rapide que les concurrents internationaux. En terme de qualité, chaque société est spécialisée sur certains types de robots industriels leur permettant de capturer des parts de marché. Ambitieuses, elles visent un rayonnement mondial et vendent majoritairement leurs technologies à des secteurs émergents et stratégiques tel que les batteries à lithium ou les véhicules électriques. De plus, Inovance et Estun se développent verticalement sur leur chaîne de valeur ce qui leur permet d’atteindre des taux d’auto-approvisionnement élevé et de réduire la dépendance à d’autres sociétés. Enfin, le risque technologique induit par les interdictions américaines sur le secteur des semi-conducteurs ne devrait pas impacter leur activité. Inovance offre un profil plus diversifié car elle est exposée plus largement au secteur de l’automatisation industrielle et profite ainsi de ses connaissances en la matière pour développer des robots industriels plus performants.

En conclusion, la Chine a changé et continuera de changer regardant sans doute plus à l’Est que ne le souhaiteraient les démocraties de l’Ouest. Au-delà d’un possible rebond du marché soutenu par la réouverture et la disparition progressive de la politique de « Zéro Covid » intervenant sans doute au premier trimestre 2023, des opportunités existent toujours mais il faudra être encore plus sélectif sur les choix d’investissement.

Achevé de rédiger le 4 novembre 2022

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