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Les derniers chiffres d’inflation en Zone Euro ont continué à surprendre depuis maintenant plusieurs mois. Avons-nous atteint selon vous un pic sur les chiffres d’inflation dans la zone ?

Après une décennie marquée par l’absence de risques inflationnistes, nous vivons depuis deux ans une forte accélération de l’inflation. La crise du Covid avait d’abord porté un premier coup à cette conjoncture en créant une forte demande lorsque l'économie a rouvert. La guerre en Ukraine a occasionné un choc inflationniste majeur qui s’est ajouté au précédent, qui était lié à la sortie de la crise sanitaire. Alors qu’une amélioration était en cours sur les chaînes d’approvisionnement, ce nouveau choc a prolongé la forte hausse des prix de 2021 et ses implications économiques en apportant des perturbations supplémentaires pour le commerce mondial et les prix des intrants.

Si on regarde les dernières statistiques, la publication du taux d’inflation totale de la zone euro pour le mois de mai a une nouvelle fois confirmé la vigueur de ces pressions inflationnistes au sein de la zone. Ainsi, l’inflation totale s’est affichée à 8,1% en glissement annuel en Mai 2022 après 7,5% en Avril, selon Eurostat, soit un niveau jamais atteint depuis près de 25 ans. L’autre indicateur suivi pour évaluer le caractère plus ou moins transitoire des variations est l’inflation sous-jacente hors énergie et alimentation. Celle-ci a atteint 3,8% en Mai en rythme annuel après 3,5% en Avril. La forte progression de l’inflation sous-jacente continue toujours d’inquiéter notamment car elle témoigne d’une diffusion des pressions inflationnistes à tous les pans de l’économie et non uniquement aux composantes les plus volatiles. Plus de ¾ des produits du panier cœur ont par exemple un rythme de hausse supérieur à 2%. Notons d’ailleurs que si la composante énergie s’est réduite en avril grâce aux mesures annoncées par les Etats afin de lutter contre la hausse des prix de l’énergie, les perspectives restent dégradées alors que les conséquences futures du conflit en Ukraine restent toujours très incertaines.

En termes de perspectives pour les prochains trimestres, les prix de l’énergie devraient se maintenir sur leurs niveaux élevés actuels, tandis que ceux des produits alimentaires devraient continuer d’accélérer. Ce devrait être le cas pour les céréales pour lesquels les récoltes de 2023 sont mises en péril en Ukraine (important producteur de céréales) mais aussi pour les fruits et légumes avec des manques importants de saisonniers pour les récoltes couplées à des hausses des coûts d’exploitation agricole (hausse du prix des engrais, etc) et des conditions météo difficiles (sécheresse) qui vont pleinement faire jouer les effets de « second tour » dans ces segments. Les industriels agro-alimentaires alertent également sur les hausses de prix encore à venir d’ici la fin de l’année.

Dans les biens industriels, les hausses de prix passées dans l’énergie et les coûts logistiques devraient continuer à se transmettre aux prix finaux des consommateurs, et cela pourrait s’amplifier en raison des confinements en Chine et la dépréciation de la devise euro. Du côté des services, l’inflation va rester élevé notamment via la composante salaire. En effet, on devrait assister à des hausses de salaires dans les prochains mois (avec notamment les prochaines hausses des salaires minimum en France et en Allemagne) même si, pour l’instant, elles restent cantonnées à certains secteurs comme la restauration en France. Nous n’avons en effet assisté jusque-là qu’à une accélération très limitée des salaires négociés au premier trimestre (+2,8 % en glissement annuel vs +1,6% au T4-2021) Nous surveillerons toute accélération même si l’impact sur les prix de vente et donc l’inflation sera fortement dépendant du niveau de concurrence, des marges des entreprises et du niveau de rigidité du marché du travail (beaucoup plus forte en Zone Euro qu’aux Etats Unis), ce qui nous fait exclure à ce stade tout scénario d’emballement de boucle prix-salaires.

En synthèse, l’inflation totale devrait se stabiliser dans les prochains mois avant d’entamer un léger ralentissement vers la fin de l’année 2022, principalement en raison d’un effet de base négatif sur la composante énergie. A l’inverse, l’inflation cœur devrait continuer d’accélérer pour franchir le niveau des 4% en fin d’année. Toutes ces dynamiques vont alimenter les pressions inflationnistes et la demande pour les indexées inflation, dans un contexte de craintes croissantes pour la BCE de désencrage des anticipations d’inflation. Enfin, il convient de noter que le resserrement actuellement anticipé de la politique monétaire de la BCE avec une 1ère hausse des taux directeurs qui pourrait intervenir dès le mois de Juillet n’aura qu’un impact limité sur ces tendances inflationnistes.

Du côté des anticipations d’inflation dans le marché, les craintes sur le rythme de resserrement monétaire des banques centrales et le risque de récession ainsi que des volumes d’émissions importants des trésors qui ont profité de l’appétit pour la classe d’actif (avec par exemple l’émission d’une nouvelle OAT verte inflation 15 ans avec plus de 27Mds€ demandés pour 4Mds€ offerts) ont entraîné une correction d’environ 40pbs depuis les points hauts atteints fin Avril 2022. A titre d’exemple, le point mort moyen du portefeuille se situe maintenant autour de 3%.

Qu’en est-il aux Etats-Unis ?

Aux Etats-Unis, nous observons les mêmes tendances mais avec une ampleur beaucoup plus marquée. Ainsi, même si l’inflation globale semble maintenant avoir marqué le pas (+8,3% en glissement annuel en Avril contre +8,5% en Mars), le risque qu’elle reste sur des niveaux très élevés est important au regard de la poursuite de l’accélération séquentielle de la partie sous-jacente (+0,6%). En effet, à l’inverse de 2021 alimenté par les biens, ce sont dorénavant les services (dans leur ensemble et pas uniquement les loyers) qui accélèrent nettement en lien avec la réouverture, la résilience de la demande et la hausse des salaires et du coût des intrants. Dans le même temps, nous devrions assister à des effets de base négatifs au 2nd semestre sur les composantes énergies et biens durables (qui avaient connu une forte accélération au S2 2021). La trajectoire pour les prix ces prochains mois restera donc élevée tant la tendance dans les services risque de durer, ce qui appelle toujours à de la prudence quant à la vitesse et le calendrier de ralentissement de l’inflation sous-jacente.

En termes de comparaison avec la zone euro, l’inflation cœur y est beaucoup plus élevé en raison de plusieurs facteurs. Tout d’abord, la contribution très marquée de la composante Logements qui représente quasiment 40% du panier de l’inflation sous-jacente et qui devrait continuer à alimenter l’inflation dans les prochains mois en reflétant avec un fort décalage dans le temps (18 mois) la hausse des prix des logements de plus de 20% observés depuis 2020 aux Etats-Unis. Ensuite, certains segments des biens industriels tels que les voitures d’occasion ont été fortement volatiles et très influencés par la politique de relance budgétaire américaine en 2021. Enfin, la dynamique des salaires est beaucoup plus forte aux Etats-Unis avec un niveau de chômage qui a déjà retrouvé et dépassé les niveaux de 2019 et des statistiques sur les hausses de salaires qui témoignent d’une diffusion beaucoup plus large de celles-ci dans l’économie américaine (entre 6% et 7% en glissement annuel).

Quelle est votre analyse des tendances inflationnistes au-delà des prochains trimestres ?

En plus des tendances conjoncturelles dont on vient de parler, nous assistons également à un renversement partiel des tendances structurelles qui avaient aidé à limiter l’inflation dans la dernière décennie.

Ainsi, nous pensons que l’inflation à moyen terme devrait revenir sur des niveaux plus en ligne avec les cibles des banques centrales mais plus élevés que ceux que l’on a connu dans la dernière décennie pour plusieurs raisons. D’abord, la crise pandémique puis le conflit en Ukraine ont exacerbé les faiblesses du modèle hyper-mondialisé qu’avait adopté les pays développés. Ces chocs ont engendré des transformations profondes dans l’organisation des économies mondiales avec de nombreux mouvements de relocalisation qui devraient contribuer à alimenter l’inflation des deux côtes de l’Atlantique. Cette dynamique se trouve renforcée par la volonté récemment affichée par les Etats Européens de renforcer leur défense militaire et leur indépendance dans des secteurs stratégiques (énergie, alimentation, technologie) avec une forte accélération des dépenses publiques dans ces domaines.

D’autre part, le coût de la transition écologique où il faudra investir des dizaines de milliers de milliards pour développer des sources d'énergie et des productions moins polluantes sera en partie financé par des prix énergétiques plus élevés. L’Union Européenne a par exemple récemment annoncé son intention de fortement accélérer le calendrier des investissements dans le renouvelable et les terminaux de gaz naturel liquéfié pour réduire sa dépendance énergétique à la Russie. Elle engendrera également une demande plus forte sur certains métaux (cobalt, lithium, nickel, etc) et un manque de main d’œuvre supplémentaire dans certaines industries avec là encore des conséquences inflationnistes.

Enfin, en Zone Euro, la BCE réfléchit à intégrer davantage de coûts liés au logement dans le panier de calcul de l’inflation en Zone Euro, à l’image de ce qui est déjà fait aux Etats-Unis.

Pourriez-vous nous expliquer comment se protéger contre ce risque inflationniste qui va donc continuer à rester massivement présent dans les prochains trimestres et à moyen terme ?

Afin de se protéger contre l’inflation qui érode la valeur des dettes au cours du temps, les obligations indexées à l’inflation peuvent apporter une protection contre la hausse des prix directement intégrée dans le produit. En effet, contrairement à une obligation classique ou « nominale », le coupon et le prix de remboursement qui seront versés au porteur ne sont pas connus au moment de l’achat car ils sont directement indexés sur un indice de prix à la consommation, c’est-à-dire sur le niveau de l’inflation constatée dans une zone économique sur une période donnée. Ainsi, l’investisseur est garanti d’avoir le même pouvoir d’achat à maturité qu’au moment où il achète l’obligation.

Pourriez-vous nous expliquer en quoi le fonds CM-AM Inflation permet d’atteindre cet objectif ?

Le fonds CM-AM Inflation, investi majoritairement en obligations indexées sur l’inflation de la zone euro, permet à la fois de se protéger d’une hausse des taux d’inflation constatés et de profiter de la hausse des anticipations d’inflation tout en prenant une exposition modérée sur les taux (grâce à une sensibilité réduite).

La spécificité de ce fonds lancé en 2012 réside en effet dans son positionnement sur des maturités relativement intermédiaires, comprises entre un et dix ans, sa maturité moyenne étant autour de cinq ans. Nous pensons que dans la configuration de marché actuelle ce positionnement particulier du portefeuille lui permet de tirer parti le mieux possible de la classe d’actif des indexées.

En effet, la hausse des anticipations d’inflation se reflétant sur toutes les maturités, le fonds peut ainsi profiter pleinement de leur hausse tout en prenant une exposition modérée sur le risque de taux qui est particulièrement accru dans l’environnement haussier taux qui se dessine pour les prochains mois. De plus, l’exposition sur les maturités intermédiaires permet au fonds de profiter plus rapidement de la hausse de l’inflation, car plus les maturités sont courtes, plus les indexées inflation réagissent aux chiffres d’inflation publiés et à l’évolution des prix de l’énergie (principalement le prix du pétrole). Parmi les obligations indexées sur l’inflation, il est en effet très important de faire la distinction entre les obligations indexées à long terme et les obligations indexées à court terme. Les formules donnent plus de poids à la composante taux dans les obligations à long terme alors que la composante inflation réalisée est prédominante sur les obligations intermédiaires. Enfin, les obligations indexées sur les maturités 10 ans et au-delà sont beaucoup plus affectés par les discours restrictifs des banques centrales qui cherchent à éviter des décrochages des anticipations d’inflations sur les maturités longues.

Achevé de rédiger le 31/05/2022

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