RECHERCHEZ UN FONDS

Nous avons précédemment abordé les responsabilités accrues du Chief Sustainable Officer au sein de l’entreprise. L’Investor Relations (IR), en charge de la bonne compréhension de la stratégie de l’entreprise et de sa bonne valorisation, a également un rôle clé dans les enjeux de communication extra‑financière (ESG).

Priorité absolue dans l'agenda des investisseurs européens soumis à une réglementation volontariste et structurée dont transparence et vigilance sont les maîtres mots, les critères de durabilité relatifs aux aspects environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance sont en passe de se hisser au même niveau d’exigence et de fiabilité que les critères financiers pour apprécier la performance globale de l’entreprise à long terme. S’ils exigent de la part des IR une mise à niveau conséquente sur ces nouveaux enjeux, c’est aussi une opportunité pour la profession de renforcer son positionnement au plus haut niveau de l’entreprise.

Nous avons interviewé sur le sujet Nathalie Vallier, associée du cabinet de conseil Eurocif, Directrice du pôle communication financière, relations investisseurs, ESG, spécialiste des sujets de dialogue actionnarial et de durabilité.

Pourquoi est‑ce essentiel que l’IR se saisisse de ces sujets ESG ?

L’ESG est un sujet de réputation et de résilience, toutes les parties prenantes y sont sensibles, les investisseurs en particulier qui doivent expliciter la prise en compte de la durabilité dans leur portefeuille de même que les incidences négatives, environnementales et sociales, émanant de leurs choix d’investissement.

Dans ce cadre, l’IR est l’interface privilégiée et de confiance entre l’entreprise et les investisseurs : il connaît leurs points d’intérêt, leurs politiques, leurs critères d’allocation. Il peut donc répondre à leurs questions et attentes spécifiques tout en apportant des justifications solides aux choix de l’entreprise. Il est par ailleurs rompu aux règles et principes exigeants de communication financière aux premiers rangs desquels l’information privilégiée. Il a la mémoire de ce qui a été dit, sait ce qui peut être avancé ou pas à chaque instant pour garantir la cohérence, notamment avec les éléments financiers, ce qui n’est par exemple pas le cas du directeur RSE ou du directeur industriel.

La capacité des IR à établir des relations constructives, assurer un dialogue régulier avec les marchés financiers sur les sujets de durabilité, à coordonner habilement la manière dont le conseil d'administration et la direction interagissent avec les différentes catégories d'investisseurs, constitue un enjeu majeur pour assurer à l’entreprise l’accès à des financements de long terme nécessaires à sa transformation. Ce dialogue, mutuellement bénéfique, peut également aider l’entreprise à définir des politiques et fixer des objectifs en interne, de même qu’anticiper les questions des investisseurs en amont des assemblées générales et élaborer des réponses adaptées de manière proactive.

En interne, lorsque la fonction de CSO n’a pas été créée (cf. billet du 04/01/2023), l’IR peut faire le lien entre la direction financière et la direction du développement durable en veillant à ce que les deux équipes comprennent les priorités stratégiques, les objectifs communs et les agendas respectifs. Il peut aussi structurer un comité ESG comprenant des représentants des équipes RSE, finance, des ressources humaines, opérations, achats, communication pour créer de la cohésion et du sens autour de l’equity story et faciliter l’alignement en matière de communication globale.

Le nouveau reporting de durabilité (directive CSRD) va permettre de standardiser et d’homogénéiser l’information extra‑financière ; est‑ce le socle sur lequel le dialogue actionnarial va pouvoir s’appuyer ?

Dans la masse d’indicateurs que va produire la CSRD, les investisseurs doivent pouvoir identifier les enjeux matériels propres au secteur et à l’entreprise, c’est‑à‑dire ceux qui impactent significativement le modèle d’affaires et la performance. L’exposé d’une feuille de route ESG claire et précise, résultant d’une analyse de matérialité robuste, est capital pour comprendre la trajectoire de l’entreprise, suivre ses engagements et réalisations à court, moyen et long terme sur la base d'indicateurs pertinents.

À cet égard, le RI doit donc articuler la stratégie et les objectifs ESG de l'entreprise avec un narratif convaincant autour du « pourquoi » et du « comment on répond, déploie, pilote », car au sein d'un même secteur, différentes entreprises auront des profils ESG différents en fonction de leur taille, de leur maturité.

Par ailleurs, pour répondre à leurs obligations dans le cadre de SFDR, les investisseurs exigent des données ESG de haute qualité, avec un niveau de granularité important, axées sur les risques et comparables entre les entreprises et les secteurs. Lorsqu'une entreprise ne parvient pas à fournir des informations ESG de qualité, ceux‑ci se tournent souvent d’autant plus facilement vers des notations de tiers ou des modèles internes généralisés avec le risque d’obtenir un score éloigné de la réalité économique de l’entreprise...

La durabilité de la création de valeur s’inscrit donc au cœur du dialogue investisseur ?

Les investisseurs ont besoin de vérifier la cohérence entre les engagements RSE et la stratégie. Il s’agit en effet pour eux de comprendre comment l’entreprise gère les risques et opportunités de durabilité permettant d’assurer la création de valeur à moyen‑long terme.

Agir pour un futur désirable, avoir un impact sociétal positif, être une entreprise régénérative ou encore neutre en carbone avant 2050 sont de nobles ambitions de plus en plus intégrées dans la communication institutionnelle, mais qui ne suffisent pas pour se distinguer et obtenir la préférence de la communauté financière.

L’IR doit assurer la connectivité entre l’information extra‑financière et l’information financière et pouvoir expliquer la manière dont la stratégie RSE impacte les tableaux financiers, permet d’optimiser l’allocation et le coût du capital, mais aussi de favoriser le développement de nouveaux marchés, la croissance des bénéfices, la réduction des risques et des coûts, l’attractivité de la marque, etc.

Quelles recommandations feriez‑vous aux émetteurs et à leurs équipes IR ? L’importance de la confiance mutuelle peut être saisie sur la question de la formation du consensus de marché que les résultats soient financiers ou extra‑financiers (trajectoire carbone, responsabilité sociale, qualité responsable de la rémunération des dirigeants)...

La priorité est de se former pour comprendre les tenants et aboutissants non seulement des nouvelles réglementations et législations, mais également sur ces problématiques complexes, faisant appel à des connaissances scientifiques et techniques. Il ne s’agit pas de devenir un expert du climat, de l’énergie, de la biodiversité ou des relations sociales, mais de disposer d’un niveau de connaissance et de compréhension des sujets suffisamment élevé pour dialoguer de façon sérieuse et rigoureuse avec les interlocuteurs les plus avertis (analystes sell‑side et buy‑side, gérants de portefeuille, agences de rating, auditeurs, régulateurs, actionnaires individuels) tout en faisant preuve de pédagogie.

S’agissant des bonnes pratiques, les IR doivent veiller aux principes de l’importance significative, d’une information fiable, compréhensible, complète et concise (qualité vs. quantité) en adoptant une vision stratégique et prospective. Échanger avec ses pairs, s’inspirer des meilleures pratiques est un excellent moyen de se hisser au meilleur niveau.

En conclusion

Les entreprises qui adoptent une approche proactive pour informer et éduquer les investisseurs sur leur stratégie de durabilité dans une logique de transparence et de confiance réciproque assurent probablement leur financement et leur attractivité à long terme.

Merci infiniment Nathalie pour ce témoignage.

Achevé de rédiger le 25 août 2023

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