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Développement Durable et mesures contre l’hyperinflation de l’énergie : le yin et le yang ?

Comme nous l’avons évoqué dans de précédents billets, l’hyperinflation des coûts de l’énergie et la guerre en Ukraine conduisent à modifier les équilibres énergétiques européens. Cette tendance s’accélère. Compte tenu de la baisse de 80% depuis juillet des livraisons de gaz russe via le gazoduc Nord Stream 1 et de l’arrêt total annoncé pour maintenance du 31 août au 2 septembre (redémarrage reporté sine die par Gazprom le 02/09), l’AIE recommande une réduction immédiate de la consommation de gaz. L’objectif de la Commission européenne d’un remplissage à 80% des stocks de gaz au 1er novembre face au risque de pénurie cet hiver est néanmoins en bonne voie, mais ce n’est qu’une étape. Selon le Premier ministre belge, « les 5 à 10 prochains hivers seront difficiles ».

Ce contexte de crise entraîne des décisions politiques d’urgence engageantes :

  • L’Union européenne a publié un plan très ambitieux, prévoyant que chaque pays fasse « tout son possible » pour réduire d’au moins 15% sa consommation de gaz entre août 2022 et mars 2023, par rapport à la moyenne des cinq dernières années, avec des exemptions et dérogations pour certains États membres qui, par exemple, dépendent fortement du gaz pour la production d'électricité et qui sont faiblement interconnectés aux systèmes électriques d’autres États membres.
  • L’Allemagne, qui enregistre une hyperinflation du coût du gaz de 100 à 200 Mds€, a autorisé la réouverture de 27 centrales au charbon jusqu’en mars 2024, soit environ 10 GW, portant la part du charbon à un tiers dans le mix d’électricité (24% en 2020). Par exemple, le groupe Uniper vient de redémarrer la production d'électricité de sa centrale à charbon Heyden 4 (875 MW soit la plus grosse de la liste des 27) et le groupe RWE prépare la remise en marche de trois blocs de 300 MW chacun. Parallèlement, l’Allemagne envisage de ne pas fermer ses 3 derniers réacteurs nucléaires, dont l’arrêt était prévu fin 2022.
    Les foyers allemands qui se chauffent au gaz (50% du total) vont supporter une hausse de coûts supérieure à 100% en 2022. Si seulement un quart d’entre eux passait à l’électricité afin de réduire leur exposition au gaz (les ventes de chauffages électriques d’appoint ont augmenté de 500% en juillet !), le réseau national ne serait pas en mesure d’y faire face, sans ces réouvertures de centrales au charbon et reports de fermetures de réacteurs nucléaires.
  • En France, le gouvernement a évité une hausse de plus de 100% du coût de l’électricité (tarifs régulés +4% en janvier) et du gaz (tarifs régulés bloqués depuis novembre 2021) et envisage des mesures pour contenir la hausse en 2023. En outre, il a annoncé son projet de renationalisation d’EDF (coût de près de 10 Mds€) pour redéfinir sa stratégie. À ce jour, l’arrêt de 32 réacteurs nucléaires sur un total de 56 pour maintenance/travaux conduit à recourir aux importations et à maximiser la production des centrales à gaz, contribuant ainsi à une hausse de 5% des GES du secteur de la production d’énergie en France au premier trimestre 2022. Une centrale électrique au charbon fermée en mars 2022 sera rouverte pour l’hiver prochain.
  • Quasiment toutes les exportations de GNL américains, largement produits à partir de techniques d’extractions non conventionnelles, sont désormais livrées en Europe.

L’ensemble de ces mesures, qui marquent l’urgence d’ajustements pour limiter le risque de pénurie et l’inflation des coûts énergétiques, favorisent largement le recours aux énergies fossiles.

Néanmoins, l’Europe vise également à renforcer les solutions pour le Développement Durable :

  • La France a annoncé une baisse de 10% de sa consommation électrique et d’énergies fossiles en 2 ans. Les pistes pourraient concerner le transport, l’éclairage, le chauffage, des limitations de vitesse, le télétravail…
  • La Commission européenne a accéléré son plan hydrogène. Le projet Hy2Tech prévoit un financement public jusqu’à 5,4 Mds€, pouvant mobiliser 8,8 Mds€ d’investissements privés supplémentaires. 35 entreprises au sein des États membres participeront à 41 projets sur la chaîne de valeur (production d’hydrogène décarboné, piles à combustible, stockage-transport-distribution, usages dont en particulier la mobilité, cf. tableau page suivante).

Au total, l’Europe s’est lancé dans une stratégie reposant sur deux jambes, dont l’équilibre est néanmoins incertain :

  • La sécurité énergétique et la lutte contre l’inflation, conduisant à recourir davantage aux énergies fossiles à court terme (voire plus longtemps ?) ;
  • La transition vers un système énergétique durable, visant à accélérer le développement des énergies vertes et la baisse de la consommation.

Paradoxe de cette crise énergétique historique du XXIe siècle, RWE, le plus gros producteur d’électricité à partir de charbon en Europe et développeur d’énergies renouvelables, est en train de devenir l’alpha et l’oméga des marchés financiers (consensus Bloomberg des analystes 89% à l’achat, 0% à la vente). Comment l’ADN du Développement Durable peut-il s’accommoder de ces compromis nés de l’ambivalence des priorités de l’Europe ?

Projet Hy2Tech de la Commission européenne

Source : Commission européenne

Achevé de rédiger le 5 septembre 2022

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